Alors qu’une élection se profile au Royaume-Uni et qu’un vote présidentiel approche aux États-Unis l’année prochaine, les sondages d’opinion sont partout. Les citoyens devront naviguer dans beaucoup de bruit lorsqu’ils décideront quel parti ou candidat choisir.
Comme nos recherches l’ont montré, la façon dont les citoyens reçoivent des informations sur les sondages à travers les médias peut affecter le résultat des élections. Nous avons mené plusieurs expériences en laboratoire pour vérifier si le comportement de vote est affecté par la présentation biaisée des résultats des sondages. Les résultats suggèrent que c’est le cas.
Dans nos expériences, nous avons demandé à 375 étudiants volontaires de voter dans une série d’élections, en choisissant entre deux partis – le parti K et le parti J. Ils l’ont fait dans deux conditions : une condition de contrôle non biaisée, où ils ont vu tous les sondages, et une condition de traitement biaisée, où ils ont vu uniquement les sondages où la popularité du parti K était la plus élevée. Le scénario biaisé a conféré un avantage considérable au parti K. Dans ce scénario, le parti K a gagné dans 80 % des cas. Dans le scénario de contrôle, le parti ne gagnait que 60% du temps (cette proportion relativement élevée était due au pur hasard).
Dans une autre expérience, nous avons explicitement informé les participants au préalable qu’ils recevraient des informations biaisées sur les sondages. De façon remarquable, le parti K a tout de même tiré un profit considérable de l’existence du biais, gagnant 64% du temps contre 57% dans un cadre non biaisé. Même lorsque nos électeurs savaient qu’ils recevaient des informations biaisées, ils ne semblaient pas en tenir suffisamment compte au moment de voter.
L’inclinaison des médias a-t-elle de l’importance ?
Tout cela suggère que les résultats des élections dans les pays démocratiques pourraient être sensibles aux biais dans la façon dont les médias traditionnels rapportent les résultats des sondages.
Les médias traditionnels sélectionnent les sondages à mettre en avant à partir d’un large pool de résultats. Les médias traditionnels choisissent les sondages qu’ils veulent mettre en avant parmi un grand nombre de résultats, parfois dans le but de faire des nouvelles intéressantes ou de répondre aux attentes du public. Dans ce dernier cas, les journalistes peuvent décider de ne pas publier un sondage montrant un résultat inattendu, par exemple, même s’ils le croient vrai, par crainte que les lecteurs ne les considèrent comme moins crédibles.
Dans notre recherche, nous avons également constaté que les médias sociaux propagent les résultats des sondages de manière biaisée. Sur Twitter, en particulier, les « bonnes nouvelles » pour les partis et les politiciens de gauche se propagent plus largement que les bonnes nouvelles pour les conservateurs.
Et, comme le montrent nos résultats expérimentaux, même lorsque nous savons que cela se produit, les citoyens peinent à en tenir compte dans l’isoloir. Nos recherches nous le disent, car nous avons demandé aux participants comment ils pensaient que les candidats des partis K et J allaient se comporter lors de l’élection imminente, en obtenant leurs estimations sur la part de voix de chaque candidat. Ces parts de voix attendues étaient très similaires aux résultats moyens des sondages, même lorsque les électeurs savaient que ces résultats étaient biaisés.
Sachant qu’ils n’ont vu que les bons résultats du parti K, un électeur totalement rationnel se serait attendu à une part de vote à l’élection beaucoup plus faible pour le parti K que les résultats moyens des sondages, mais ce n’est pas ce que nous avons découvert dans nos expériences.
Nos participants ont reçu des informations considérables et ont développé une expérience considérable – voter dans 15 élections. Le fait que même dans notre environnement riche en informations, les gens n’écartent pas les sondages biaisés suggère que l’expérience et la sophistication politiques ne suffisent malheureusement pas à annuler l’effet des commentaires biaisés.
On s’inquiète du rôle des sondages d’intention de vote dans les démocraties modernes. Nos résultats indiquent que cette préoccupation peut être justifiée. Il s’agissait d’une recherche expérimentale et nous devons encore établir si les résultats changent dans des environnements électoraux plus bruyants dans le monde réel, mais ils fournissent néanmoins une importante matière à réflexion pour les électeurs, les médias qui rapportent les sondages, et même les gouvernements des pays qui cherchent à organiser des élections démocratiques libres et équitables.
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