INTOXICATION AUX FRUITS ÉTOILES CHEZ LES PATIENTS URAÉMIQUES

Les fruits étoilés, fruits exotiques saisonniers, seraient originaires de Ceylan et des Moluques, mais ils sont cultivés en Asie du Sud-Est et en Malaisie depuis plusieurs siècles. Il appartient à la famille des Oxalidaceae, espèce averrhoa carambola

Fig 1 : averrhoa carambola

On le trouve couramment dans le sud de la Chine, à Taïwan , en Inde, aux Philippines, en Australie, en Amérique centrale, en Afrique et au Brésil dans les zones tropicales et subtropicales. Il est servi comme boisson fraîche, in natura ou comme jus industrialisé, et utilisé dans les restaurants à des fins décoratives dans le monde entier1,2

Martin et al3 ont décrit une épidémie de hoquet intraitable chez des patients suivant un programme régulier d’hémodialyse après ingestion de carambole qui ne s’est améliorée qu’après les séances d’hémodialyse. Les auteurs n’ont pas décrit de signes d’atteinte neurologique comme des troubles du comportement ou une confusion mentale.

Le hoquet avait été considéré comme une curiosité et non comme une menace jusqu’en 1997. Cette année-là, nous avons décrit 2 patients sous dialyse qui ont présenté des troubles neurologiques après avoir mangé de la carambole : un patient est mort avec des convulsions et un autre patient s’est amélioré après quelques séances d’hémodialyse4. Les deux patients avaient un hoquet intraitable comme premiers symptômes.

En 19985, nous avons publié la description de 6 cas de patients sous dialyse qui ont développé une variété de symptômes neurologiques après avoir mangé de la carambole : insomnie, hoquet, vomissements, confusion mentale, convulsions. L’extrait de carambole a été injecté en différentes quantités dans la citerne magna de souris ou dans la cavité intracérébroventriculaire de rats et a provoqué des convulsions. Ces premières observations3, 4, 5 suggéraient également que l’hémodialyse éliminait la substance toxique.

Après ces rapports, Chang JM et al 20006 ont décrit 20 patients atteints d’insuffisance rénale qui présentaient des symptômes neurologiques après avoir mangé de la carambole. Huit patients sont décédés. Le délai entre l’ingestion et l’apparition des symptômes variait de 2,5 heures à 14 heures. Les symptômes variaient du hoquet aux troubles de la conscience, en passant par l’engourdissement des membres, la diminution de la puissance musculaire et les convulsions. Dix patients présentant des niveaux de conscience anormaux ont subi des scanners cérébraux par tomographie informatisée, mais aucune lésion organique n’a pu être identifiée. Leur rapport indique qu’une hémodialyse d’urgence a été réalisée pour ces 10 cas de troubles de la conscience, mais 8 patients sont décédés.

Après ces observations, d’autres rapports d’intoxication aux fruits étoilés ont été publiés7,8,9,10,11,12,13. Dans le tableau 1, nous résumons tous ces rapports en excluant nos 2 premiers rapports4, 5 car ces patients ont été inclus dans notre dernier rapport14

HDI : Hémodialyse de routine, DPCA : dialyse péritonéale continue ambulatoire

Nos résultats cliniques et les rapports des autres, nous ont permis de classer les effets neurotoxiques de la carambole en 3 niveaux d’intoxication qui peuvent fournir une ligne directrice utile pour l’institution d’un traitement approprié (tableau 2).

Ces symptômes peuvent se déclencher entre 30 minutes d’ingestion (un demi-fruit à 500 ml de jus) et quelques heures. Bien que les premiers symptômes puissent commencer par un hoquet, certains patients, en cas d’intoxication sévère, arrivent à l’hôpital avec un syndrome clinique qui ressemble à un accident vasculaire cérébral ou à des perturbations « métaboliques » et urémiques. Certains cas d’intoxication légère peuvent évoluer vers des symptômes graves et cette évolution est extrêmement variable, en fonction des caractéristiques de chaque patient. Par conséquent, tout patient présentant une suspicion d’intoxication aux fruits étoilés ne doit pas sortir de l’hôpital et doit être observé de très près.

Néanmoins, des symptômes légers tels que le hoquet peuvent persister pendant plusieurs jours et à l’arrêt du traitement, le hoquet peut continuer, les symptômes disparaissant lentement. Les variations des symptômes et de la gravité de l’intoxication diffèrent selon les individus et pourraient s’expliquer par les réponses biologiques individuelles, la quantité de toxine contenue dans chaque fruit, les différentes sous-espèces de carambole, l’âge et la détoxification, l’excrétion ou les deux, de cette toxine dans le sang. Des effets de rebond après le traitement sont fréquemment observés14

Dans la plupart de nos cas, les tentatives de traitement du hoquet réfractaire par la chlorpromazine et le métoclopramide, ont échoué. En revanche, nous avons observé que seule l’hémodialyse améliore ce symptôme. Dans les 2 derniers rapports13,14, il est clair que l’hémodialyse intensive (dialyse quotidienne jusqu’à 8 heures par séance, en fonction de la gravité des symptômes), a supprimé l’activité de neurotoxicité chez la plupart des patients ayant une intoxication sévère leur permettant de se rétablir sans séquelles en 1-12 jours.

En plus de provoquer des symptômes neurotoxiques comme décrit précédemment, la carambole a une teneur élevée en acide oxalique qui peut provoquer des effets néphrotoxiques aigus réversibles15, 16.

La neurotoxine excitatrice putative qui induit des convulsions toniques cloniques lorsqu’elle est injectée dans l’espace intracérébroventriculaire chez le rat ou la souris, pourrait agir spécifiquement en déplaçant la liaison spécifique du GABA dans la membrane synaptique du cerveau du rat (données non publiées). Bien que la nature exacte de l’acivité de neurotoxicité de la carambole reste obscure, l’oxalate avait été proposé comme un candidat possible17, mais nos données (non publiées) ne confirment pas cette hypothèse.

Bien que la carambole, comme d’autres fruits, ait probablement une teneur élevée en potassium, nous n’avons pas détecté d’altérations du potassium sérique chez les patients qui ont été mesurés comme décrit par d’autres rapports précédents.

La plupart des patients qui se sont rétablis n’ont pas présenté d’autres séquelles neurologiques bien que cela soit possible comme l’ont démontré Chan YL et al.12

Ces observations, servent à avertir les médecins que l’intoxication aux fruits étoilés peut être nocive et même menacer la vie des patients urémiques soit sous traitement de soutien soit sous traitement dialytique. Les symptômes neurologiques sont des présentations courantes et le hoquet et les vomissements sont les symptômes les plus fréquents. L’hémodialyse, instituée le plus tôt possible, en particulier la dialyse quotidienne et intensive, est le traitement idéal. Dans les cas graves, les méthodes de traitement continu peuvent constituer une procédure initiale supérieure, car les effets de rebond sont fréquents. La dialyse péritonéale n’est d’aucune utilité lorsque des troubles de la conscience s’ensuivent.