Pour certains hommes atteints d’un cancer de la prostate métastatique, la castration chirurgicale pour enlever les testicules (orchidectomie) pourrait être une meilleure option que la « castration chimique » obtenue par l’utilisation à long terme de produits agonistes de l’hormone de libération de la gonadotrophine (GnRH) de la prostate, car elle pourrait comporter moins de risques d’effets indésirables, suggère une nouvelle étude publiée en ligne le 23 décembre dans JAMA Oncology.

« Les paradigmes du traitement du cancer avancé de la prostate sont en constante évolution, mais il reste un groupe d’hommes qui nécessitent une castration permanente. Pour ces hommes, l’orchidectomie est une alternative raisonnable qui est associée, selon notre étude, à des risques plus faibles de fractures, de maladies artérielles périphériques et de complications cardiaques que les agonistes de la GnRH », a commenté l’auteur principal Quoc-Dien Trinh, MD, de la Harvard Medical School à Boston, Massachusetts.

« Malheureusement, pour une multitude de raisons, dont la plupart sont injustifiées, les urologues et les oncologues médicaux ne proposent plus l’option de l’orchidectomie », a-t-il poursuivi. « Ceci en dépit des directives qui continuent de recommander l’orchidectomie comme traitement de première intention pour les hommes présentant un cancer de la prostate métastatique. »

Je trouve déconcertant qu’un traitement chirurgical parfaitement raisonnable et rentable… ait disparu de la pratique médicale pour des raisons non scientifiques. Dr Quoc-Dien Trinh

« Je trouve déconcertant qu’un traitement chirurgical parfaitement raisonnable et rentable, avec potentiellement moins d’effets indésirables et de problèmes d’observance que son équivalent pharmacologique, ait disparu de la pratique médicale pour des raisons non scientifiques », a souligné le Dr Trinh.

Risque CV avec la privation d’androgène

Pendant les 50 dernières années, la thérapie de privation d’androgène a été la pierre angulaire du traitement du cancer de la prostate métastatique, écrivent les auteurs.

Cependant, la réalisation de la privation d’androgènes par orchidectomie bilatérale a été fondamentalement éliminée de la pratique clinique, principalement en raison de problèmes esthétiques et psychologiques, mais aussi parce que la thérapie médicale est réversible et facile à administrer, écrivent les auteurs.

La norme de soins actuelle est l’utilisation à long terme de produits agonistes de la GnRH tels que la goséréline (Zoladex, AstraZeneca) et le leuprolide (Lupron, AbbVie).

Cependant, il y a de plus en plus de preuves que la thérapie de privation d’androgènes est liée à des effets indésirables importants, tels que des événements cardiovasculaires, le diabète, des lésions rénales aiguës et la perte osseuse, écrivent les auteurs. La Food and Drug Administration américaine exige que l’étiquetage des agonistes de la GnRH comprenne un avertissement sur le risque accru de diabète et de maladies cardiovasculaires.

Des recherches antérieures portant sur les événements cardiaques indésirables associés aux agonistes de la GnRH ont suggéré que le risque cardiaque est plus faible chez les patients ayant subi une orchidectomie. Cela a conduit à l’hypothèse que les effets indésirables cardiaques peuvent être liés aux produits agonistes de la GnRH, plutôt qu’à la privation androgénique en soi.

Les auteurs ont entrepris de comparer directement les effets indésirables observés avec la privation androgénique obtenue par la chirurgie par rapport à ceux obtenus par l’utilisation d’agonistes de la GnRH.

Moins d’événements indésirables après une orchidectomie

Dans l’étude actuelle, les chercheurs ont utilisé la base de données Surveillance, Epidemiology, and End Results liée aux dossiers Medicare pour identifier les participants. L’étude a inclus 3295 bénéficiaires de Medicare âgés de 66 ans et plus, atteints d’un cancer de la prostate métastatique diagnostiqué entre janvier 1995 et décembre 2009 et traités par un agoniste de la GnRH ou une orchidectomie dans les 12 mois suivant le diagnostic. Quatre-vingt-sept pour cent des hommes ont reçu un agoniste de la GnRH et 13,0 % ont subi une orchidectomie.

Les résultats ont montré que, par rapport aux hommes ayant reçu des agonistes de la GnRH, ceux qui ont subi une orchidectomie bilatérale avaient :

  • 23 % de risque inférieur pour toute fracture (rapport de risque , 0,77 ; P = .01);

  • 35% de risque inférieur de maladie artérielle périphérique (HR, 0,65 ; P = .004) ; et

  • 26% de risque inférieur de complications liées au cœur (HR, 0,74 ; P = .01).

Les hommes qui ont reçu un agoniste de la GnRH pendant 35 mois ou plus avaient un risque substantiellement accru de fractures (HR, 1.80), de maladie artérielle périphérique (HR, 2,25), de thromboembolie veineuse (HR, 1,52), de complications liées au cœur (HR, 1,69) et de diabète (HR, 1,88) (P ≤ 0,001 pour tous).

Aucune différence statistiquement significative n’existait entre l’orchidectomie et les agonistes de la GnRH pour les patients atteints de diabète et de troubles cognitifs.

Les patients qui s’interrogent sur la chirurgie

Les agonistes de la GnRH ont largement remplacé l’orchidectomie en raison de leur facilité d’administration, de leur réversibilité, de l’évitement d’une chirurgie défigurante, et probablement (au moins en partie) de l’incitation financière offerte aux médecins prescripteurs, écrivent les auteurs d’un éditorial d’accompagnement. Les auteurs sont Michael P. Kolinsky, BSc, MD, Pasquale Rescigno, MD, et Johann de Bono, MB, ChB, FRCP, PhD, FMedSci, tous de l’Institut de recherche sur le cancer, The Royal Marsden NHS Foundation Trust, Sutton, Royaume-Uni.

« Les patients que nous voyons en clinique soulèvent des inquiétudes quant à la sécurité cardiovasculaire des agonistes de la GnRH, et certains en fait se sont demandés s’ils n’auraient pas mieux fait de subir une orchidectomie bilatérale », a commenté le Dr Kolinsky à Medscape Medical News.

Il est cependant difficile de fournir une réponse directe, car le sujet est « controversé » et les études ont montré « des résultats contradictoires », a-t-il expliqué.

L’article actuel « ajoute du carburant à un débat déjà controversé et au discrédit apporté par les questions de remboursement », écrivent les éditorialistes.

Cependant, bien qu’elle ajoute à l’important débat, l’étude présente plusieurs limites. Bien que les chercheurs aient ajusté les facteurs de confusion potentiels, sa conception rétrospective comporte toujours un risque de biais. Les résultats devront être vérifiés dans le cadre d’une étude prospective randomisée « avant de pouvoir tirer des conclusions définitives », a souligné le Dr Kolinsky.

« Malheureusement, il est peu probable qu’une étude de ce type soit réalisée car de nombreux patients, sinon la plupart, trouveraient la perspective d’être randomisés pour subir une orchidectomie peu appétissante », a-t-il conclu. « Pour l’instant, la seule conclusion que l’on puisse tirer est que les deux options devraient être présentées aux patients de manière impartiale, avec une discussion franche sur les avantages et les inconvénients potentiels des deux formes de thérapie de privation d’androgènes, et de permettre à la préférence du patient de guider la décision finale. »

« En l’absence de preuves claires du contraire, les patients vont probablement continuer à privilégier massivement l’orchidectomie », concluent les éditorialistes.

Deux coauteurs font état de relations avec l’industrie. Les autres coauteurs et les éditorialistes n’ont révélé aucune relation financière pertinente.

JAMA Oncol. Publié en ligne le 23 décembre 2015. Résumé de l’article, extrait éditorial