CASE Engourdi et confus
Monsieur L, âgé de 17 ans, est admis à l’hôpital après avoir ingéré 24 comprimés de diphenhydramine 25 mg en 3 heures comme une possible tentative de suicide. Ses parents l’ont vu se comporter bizarrement et l’ont amené à l’hôpital. Ils déclarent que leur fils était visiblement agité et agissait de manière inappropriée. On l’a vu parler aux oiseaux, aux arbres et aux murs de la maison.

Monsieur L dit qu’il est bouleversé parce qu’il a rompu avec sa petite amie une semaine plus tôt après qu’elle lui ait demandé s’ils pouvaient « faire une pause ». Il dit avoir pris la diphénhydramine parce qu’il voulait « s’engourdir » pour faire face au stress émotionnel causé par la rupture.

Après la rupture, M. L a souffert d’insomnie moyenne à tardive et était incapable de dormir plus de 3 ou 4 heures par nuit. Il rapporte une fatigue importante, une humeur dépressive, une anhédonie, des troubles de la concentration et un retard psychomoteur. Il nie avoir des idées homicides ou des hallucinations auditives et visuelles.

En passant, M. L rapporte que, depuis un an, il a des difficultés avec l’identité de genre, pensant parfois qu’il serait mieux s’il était né fille et qu’il se sentait mal à l’aise dans un corps masculin.

Quelle option de traitement choisiriez-vous pour la toxicomanie de M. L ?
a) l’orienter vers un programme en 12 étapes
b) commencer des mesures de soutien
c) administrer du charbon actif
d) prescrire une benzodiazépine pour contrôler l’agitation

Les observations des auteurs
Alors que les jeunes ont de plus en plus accès aux connaissances médicales et pharmaceutiques par le biais d’Internet et d’autres sources, il semble que l’abus de drogues chez les adolescents s’est, en partie, déplacé vers des médicaments en vente libre plus faciles à obtenir. La diphénhydramine, un antihistaminique de première génération, peut faire l’objet d’un abus pour ses effets sur le SNC, tels que les troubles de la coordination, l’irritabilité, la paresthésie, la vision trouble et la dépression. Les effets de la diphénhydramine sont accrus par la présence d’alcool, d’inhibiteurs de la monoamine oxydase, de diazépam, d’hypnotiques, de sédatifs, de tranquillisants et d’autres dépresseurs du SNC. En 2011, l’abus de diphénhydramine a été impliqué dans 19 012 visites aux urgences, dont 9 301 pour des tentatives de suicide liées à la drogue.1

La diphénhydramine est un agoniste inverse du récepteur H1 de l’histamine.2 Elle est membre de la sous-classe des agents antihistaminiques de l’éthanolamine.3 En inversant les effets de l’histamine sur les capillaires, la diphénhydramine peut réduire l’intensité des symptômes allergiques. La diphénhydramine traverse également la barrière hémato-encéphalique et antagonise les récepteurs H1 au niveau central.

Utilisé comme somnifère courant et comme médicament contre les allergies, le médicament fonctionne principalement comme un agoniste partiel des récepteurs H1, mais il est aussi un antagoniste compétitif puissant des récepteurs muscariniques de l’acétylcholine.4 Il fait l’objet d’abus pour ses effets sédatifs et sa capacité à provoquer des délires et des hallucinations5. La diphénhydramine peut avoir un effet stimulant chez les enfants et les jeunes adultes, au lieu des propriétés sédatives observées chez les adultes.6 Ce mauvais usage est préoccupant car un surdosage de diphénhydramine peut entraîner un délire, une confusion et des hallucinations, une tachycardie, des convulsions, une mydriase, une xérostomie, une rétention urinaire, un iléus, une anhidrose et une hyperthermie. Dans les cas graves, il a été associé à des arythmies cardiaques, une rhabdomyolyse, un état épileptique et la mort4,6. Les symptômes neurologiques du surdosage en diphénhydramine sont énumérés dans le tableau 1.

HISTOIRE Abus de polysubstances
M. L présente des antécédents de trouble dépressif majeur depuis deux ans et des antécédents d’abus de Cannabis avec dépendance physiologique ; d’abus de Robitussin (principe actif de base, guaifénésine) et d’hydrocodone avec dépendance physiologique ; d’abus de 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA) ; et d’abus de diphénhydramine. Il a également des antécédents de dysphorie de genre, bien qu’il rapporte que ces sentiments sont devenus moins sévères au cours de la dernière année.

Monsieur L assiste à des rendez-vous bihebdomadaires avec un psychiatre ambulatoire et respecte apparemment son régime de médicaments : fluoxétine, 40 mg/j, et rispéridone, 1 mg au coucher. Il nie avoir déjà eu des idées suicidaires, des tentatives de suicide, des idées homicides ou des tentatives d’homicide. Il ne rapporte aucun antécédent d’abus physique, sexuel ou émotionnel. Il obtient de bonnes notes à l’école et n’a pas de problèmes scolaires en suspens.

Monsieur L a commencé à consommer du Cannabis à l’âge de 14 ans ; sa dernière consommation remonte à 3 semaines avant son admission. Il est prudent quant à sa consommation de Robitussin, d’hydrocodone et de MDMA. Cependant, M. L rapporte qu’il a fait des recherches sur la diphenhydramine sur Internet et qu’il pense qu’il peut en prendre jusqu’à 1 200 mg sans surdose. Il déclare prendre normalement 450 mg de diphenhydramine par jour. M. L rapporte des difficultés à uriner après avoir pris de la diphenhydramine, mais pas d’autres plaintes physiques.

M. L vit avec son père et sa belle-mère et a des antécédents d’une hospitalisation psychiatrique dans un établissement différent il y a deux mois, suivie d’une thérapie ambulatoire. Il a obtenu son diplôme d’équivalence de diplôme (GED) et prévoit d’aller au collège.

À l’âge de 5 ans, M. L a émigré de Turquie aux États-Unis avec ses parents. Sa mère est retournée en Turquie quand il avait 6 ans et n’a pas eu de contact avec son fils depuis. Chaque fois que M. L. se rend en Turquie avec son père, le patient refuse de la voir, selon les collatéraux. Il s’entend bien avec sa belle-mère, qui est sa tante maternelle. M. L. a été victime d’intimidation à l’école et aurait peu d’amis.